Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/341

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Au haut d’un certain mur attacher le licou.
La muraille, vieille et peu forte,
S’ébranle aux premiers coups, tombe avec un trésor.
Notre désespéré le ramasse, et l’emporte,
Laisse là le licou, s’en retourne avec l’or,
Sans compter : ronde ou non, la somme plut au sire.
Tandis que le galant à grands pas se retire,
L’homme au trésor arrive, et trouve son argent
L’homme auAbsent.
Quoi ! dit-il, sans mourir je perdrai cette somme !
Je ne me pendrai pas ! Et vraiment si ferai,
Ou de corde je manquerai.
Le lacs était tout prêt ; il n’y manquait qu’un homme :
Celui-ci se l’attache, et se pend bien et beau.
Ce qui le consola, peut-être,
Fut qu’un autre eût, pour lui, fait les frais du cordeau.
Aussi bien que l’argent le licou trouva maître.

L’avare rarement finit ses jours sans pleurs ;
Il a le moins de part au trésor qu’il enserre,
Thésaurisant pour les voleurs,
Pour ses parents, ou pour la terre.
Mais que dire du troc que la Fortune fit ?
Ce sont là de ses traits ; elle s’en divertit :
Plus le tour est bizarre, et plus elle est contente.
Cette déesse inconstante
Se mit alors en l’esprit
De voir un homme se pendre ;
Et celui qui se pendit
S’y devait le moins attendre.