Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/347

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Les chimères, le rien, tout est bon : je soutiens
Qu’il faut de tout aux entretiens :
C’est un parterre où Flore épand ses biens ;
Sur différentes fleurs l’abeille s’y repose,
Et fait du miel de toute chose.
Ce fondement posé, ne trouvez pas mauvais
Qu’en ces fables aussi j’entremêle des traits
De certaine philosophie,
Subtile, engageante, et hardie.
On l’appelle nouvelle : en avez-vous ou non
Ouï parler ? Ils disent donc
Que la bête est une machine ;
Qu’en elle tout se fait sans choix et par ressorts :
Nul sentiment, point d’âme ; en elle tout est corps.
Telle est la montre qui chemine
À pas toujours égaux, aveugle et sans dessein,
Ouvrez-la, lisez dans son sein :
Mainte roue y tient lieu de tout l’esprit du monde ;
La première y meut la seconde ;
Une troisième suit : elle sonne à la fin.
Au dire de ces gens, la bête est toute telle.
L’objet la frappe en un endroit ;
Ce lieu frappé s’en va tout droit,
Selon nous, au voisin en porter la nouvelle,
Le sens de proche en proche aussitôt la reçoit.
L’impression se fait : mais comment se fait-elle ?
Selon eux, par nécessité,
Sans passion, sans volonté :
L’animal se sent agité
De mouvements que le vulgaire appelle
Tristesse, joie amour, plaisir, douleur cruelle,
Ou quelque autre de ces états.
Mais ce n’est point cela : ne vous y trompez pas.