Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/360

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N’y savez-vous remède ? Et qu’est-il bon de faire ?
Changer de lieu, dit-il. — Comment le ferons-nous ? —
N’en soyez point en soin : je vous porterai tous,
L’un après l’autre, en ma retraite.
Nul que Dieu seul et moi n’en connaît les chemins :
Il n’est demeure plus secrète.
Un vivier que Nature y creusa de ses mains,
Inconnu des traîtres humains,
Sauvera votre république.
On le crut. Le peuple aquatique
L’un après l’autre fut porté
Sous ce rocher peu fréquenté.
Là, cormoran le bon apôtre,
Les ayant mis en un endroit
Transparent, peu creux, fort étroit,
Vous les prenant sans peine, un jour l’un, un jour l’autre ;
Il leur apprit à leurs dépens
Que l’on ne doit jamais avoir de confiance
En ceux qui sont mangeurs de gens.
Ils y perdirent peu, puisque l’humaine engeance
En aurait aussi bien croqué sa bonne part.
Qu’importe qui vous mange, homme ou loup ? toute panse
Me paraît une à cet égard :
Un jour plus tôt, un jour plus tard,
Ce n’est pas grande différence.


V

L’ENFOUISSEUR ET SON COMPÈRE

Un pincemaille[1] avait tant amassé
Qu’il ne savait où loger sa finance,
L’avarice, compagne et sœur de l’ignorance,

  1. Avare.