Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/401

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Qui vous puisse assurer d’un second seulement ?
Mes arrière-neveux me devront cet ombrage :
Eh bien ! défendez-vous au sage
De se donner des soins pour le plaisir d’autrui ?
Cela même est un fruit que je goûte aujourd’hui :
J’en puis jouir demain, et quelques jours encore ;
Je puis enfin compter l’aurore
Plus d’une fois sur vos tombeaux.
Le vieillard eut raison : l’un des trois jouvenceaux
Se noya dès le port, allant à l’Amérique ;
L’autre, afin de monter aux grandes dignités,
Dans les emplois de Mars servant la république,
Par un coup imprévu vit ses jours emportés ;
Le troisième tomba d’un arbre
Que lui-même il voulut enter ;
Et, pleurés du vieillard, il grava sur leur marbre
Ce que je viens de raconter.


IX

LES SOURIS ET LE CHAT-HUANT

Il ne faut jamais dire aux gens :
Écoutez un bon mot, oyez[1] une merveille.
Savez-vous si les écoutants
En feront une estime à la vôtre pareille ?
Voici pourtant un cas qui peut être excepté :
Je le maintiens prodige, et tel que d’une fable
Il a l’air et les traits, encor que véritable.
 
On abattit un pin pour son antiquité,
Vieux palais d’un hibou, triste et sombre retraite

  1. Écoutez.