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VII

LA CHAUVE-SOURIS, LE BUISSON ET LE CANARD

Le buisson, le canard, et la chauve-souris,
Voyant tous trois qu’en leur pays
Ils faisaient petite fortune,
Vont trafiquer au loin, et font bourse commune.
Ils avaient des comptoirs, des facteurs, des agents
Non moins soigneux qu’intelligents,
Des registres exacts de mise[1] et de recette.
Tout allait bien ; quand leur emplette,
En passant par certains endroits
Remplis d’écueils et fort étroits,
Et de trajet très-difficile,
Alla tout emballée au fond des magasins
Qui du Tartare sont voisins.
Notre trio poussa maint regret inutile ;
Ou plutôt il n’en poussa point :
Le plus petit marchand est savant sur ce point :
Pour sauver son crédit, il faut cacher sa perte.
Celle que, par malheur, nos gens avaient soufferte
Ne put se réparer : le cas fut découvert.
Les voilà sans crédit, sans argent, sans ressource,
Prêts à porter le bonnet vert[2].
Aucun ne leur ouvrit sa bourse.
Et le sort principal[3], et les gros intérêts,
Et les sergents, et les procès,
Et le créancier à la porte

  1. Dépense.
  2. Prêts à faire faillite. Le bonnet vert était la coiffure imposée autrefois aux débiteurs insolvables.
  3. Le capital.