Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/429

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Bien peu, même des rois, prendraient un tel modèle,
Et le veneur l’échappa belle ;
Coupables seulement, tant lui que l’animal,
D’ignorer le danger d’approcher trop du maître :
Ils n’avaient appris à connaître
Que les hôtes des bois : était-ce un si grand mal ?

Pilpay fait près du Gange arriver l’aventure.
Là, nulle humaine créature
Ne touche aux animaux pour leur sang épancher,
Le roi même ferait scrupule d’y toucher.
Savons-nous, disent-ils, si cet oiseau de proie
N’était point au siège de Troie ?
Peut-être y tint-il lieu d’un prince ou d’un héros
Des plus huppés et des plus hauts :
Ce qu’il fut autrefois il pourra l’être encore.
Nous croyons, après Pythagore,
Qu’avec les animaux de forme nous changeons ;
Tantôt milans, tantôt pigeons,
Tantôt humains, puis volatilles
Ayant dans les airs leurs familles.
Comme l’on conte en deux façons
L’accident du chasseur, voici l’autre manière,

Un certain fauconnier ayant pris, ce dit-on,
À la chasse un milan (ce qui n’arrive guère),
En voulut au roi faire un don,
Comme de chose singulière :
Ce cas n’arrive pas quelquefois en cent ans ;
C’est le non plus ultrà de la fauconnerie.
Ce chasseur perce donc un gros de courtisans,
Plein de zèle, échauffé, s’il le fût de sa vie.
Par ce parangon[1] des présents

  1. Modèle parfait.