Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/435

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Aujourd’hui que trois conviés ?
La gazelle déjà nous a-t-elle oubliés ?
À ces paroles, la tortue
S’écrie, et dit : Ah ! si j’étais
Comme un corbeau d’ailes pourvue,
Tout de ce pas je m’en irais
Apprendre au moins quelle contrée,
Quel accident tient arrêtée
Notre compagne au pied léger :
Car, à l’égard du cœur, il en faut mieux juger.
Le corbeau part à tire-d’aile :
Il aperçoit de loin l’imprudente gazelle
Prise au piège et se tourmentant.
Il retourne avertir les autres à l’instant ;
Car, de lui demander quand, pourquoi, ni comment
Ce malheur est tombé sur elle,
Et perdre en vains discours cet utile moment,
Comme eût fait un maître d’école,
Il avait trop de jugement.
Le corbeau donc vole et revole.
Sur son rapport les trois amis
Tiennent conseil. Deux sont d’avis
De se transporter sans remise
Au lieu où la gazelle est prise.
L’autre, dit le corbeau, gardera le logis :
Avec son marcher lent, quand arriverait-elle ?
Après la mort de la gazelle.
Ces mots à peine dits, ils s’en vont secourir
Leur chère et fidèle compagne,
Pauvre chevrette de montagne.
La tortue y voulut courir :
La voilà comme eux en campagne,
Maudissant ses pieds courts avec juste raison,