Page:La Fontaine - Lettres de Paris en Limousin.djvu/8

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
4.

le fauteur de toutes les machinations dirigées contre Fouquet et violemment pris à partie » Dans cette page pleine de feu faut-il voir à nouveau la main de Jannart ? Pourquoi non ? Mais que Colbert l’en ait seulement soupçonné, et l’on aperçoit aussitôt le désir de vengeance qui, dans l’esprit du ministre attaqué, a pu naître à ce moment contre lui[1].

Foucquet, à son tour, avait sollicité l’autorisation d’être secondé, pendant son procès, par deux avocats, — ce qui lui avait été accordé, — ainsi que par Jannart et deux experts financiers, — ceci lui avait été refusé. Cette seconde partie de la demande prouvait clairement que le Surintendant avait grande confiance dans les connaissances juridiques de son substitut et ne put qu’attirer contre ce trop fidèle ami les foudres du tout-puissant Colbert. Jannart, en effet, outre les conseils qu’il dut donner à Mme Foucquet, s’était certainement mis à l’œuvre dans les coulisses. Il « composa », dit Monmerqué dans ses Opuscules inédits de Jean de la Fontaine, « plusieurs des écrits qui parurent pour la défense de Fouquet » et, en note, le littérateur ajoute : « Les héritiers de M. Jannart ont mis sous les yeux de l’éditeur (manifestement c’est lui-même) les travaux qui ont servi à composer ces factum (sic) ; ils sont pour la plus grande partie de la main de M. Jannart »[2].

L’examen des papiers trouvés à Vaux avait fait naître un. nouveau motif de châtier l’oncle de La Fontaine. Dans le fameux « plan de défense » où Foucquet, en 1657, « avait tracé d’une main fébrile, et pour soi-même, une sorte de mémento de ce qu’auraient à faire tous ses proches pour essayer de le sauver au cas où la défaveur de Mazarin s’abattrait sur lui…, parmi la petite phalange d’amis à toute épreuve, passionnément dévoués à sa personne…, et qui eussent dû recevoir mission de travailler le Parlement pour l’amener à prendre sa cause en mains, figure en bonne place… Jannart »[3].

Enfin, par deux fois, sur une page de l’acte d’accusation, « on relève le nom, de Jannart parmi les créatures du Surintendant qui, pour son compte, et sous des noms interposés, ont acquis certains des biens immobiliers qui ont été trouvés en sa possession… » Ce rôle de prête-nom ne constituait-il pas « une sorte de complicité morale ayant permis à l’inculpé d’arrondir d’une façon irrégulière son patrimoine » ?[4].

  1. L. Petit, « Autour du procès de Fouquet, La Fontaine et son oncle Jannart sous la griffe de Colbert ». R.H.L.F. Janv-mars 1947, pp. 199-200. La première lettre serait de mars, la deuxième de juillet et la troisième d’août 1662. Ravaisson n’a publié que les lettres suivantes : 5 mars 1662, Mme Foucquet la mère ; 30 juillet 1662, 2 février, ( ?) novembre et 15-20 décembre 1663, la Surintendante. J. Lair, dans son Nicolas Foucquet … (Paris, Plon, 1890, 2 vol. ge, in-8) donne des extraits des lettres du 24 mars (T.II, pp. 133-135), du 30 Juillet 1662 (p. 165) et du 2 février 1663 (p. 230).
  2. Monmerqué. O.c. Paris, Blaise, 1820, in-8, p. 7.
  3. R.H.L.F. 1947, p.201. Ce "plan a été publié pour la 1ère fois par P. Clément, introduction du T.II des Lettres, instructions et mémoire de Colbert. Paris, impr.impériale, 1861-67, 4 T. in 6 vol. in-8.
  4. Ibid. p. 202.