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Le Bouif errant

dislas. L’héritier légitime de la couronne de Carinthie était couché dans son piano.

Un autre qu’un diplomate de carrière se serait retiré discrètement. Le comte Michaël Bossouzof fit exactement le contraire. Il s’approcha et mit un genou en terre devant les pantoufles de son roy.

On eût juré qu’il se disposait à baiser la mule du pape.

Le mouvement fut fatal à sa dignité, car il s’empêtra dans un tapis et laissa tomber sa serviette bourrée de document diplomatiques, sur le clavier du piano, qui exhala un accord imparfait.

Au bruit, la tête effarée de l’héritier présomptif se dégagea des rideaux. C’était Bicard, ébouriffé, hirsute, et encore tout ensommeillé.

— Encore le gros paquet d’hier soir, fit-il. Ah non ! j’ai assez rigolé ! Qui vous a dit que j’étais ici ?

— La carte de Votre Majesté m’a permis de retrouver mon roy ! déclama lyriquement Bossouzof, en se prosternant une seconde fois.

— Ma carte ? murmura Bicard, ahuri.

— Sire ! larmoya de nouveau le diplomate ; par suite d’un incident que je déplore, j’ai forcé Votre Altesse à un geste incompatible avec le droit divin qu’elle représente… Mais le dévouement de toute ma vie effacera, je l’espère, le crime que j’ai commis en osant porter une main sacrilège sur votre personne auguste…

— Je m’appelle Alfred, dit Bicard.

— Oui ! proclama Bossouzof, avec une exaltation croissante, Alfred, Népomucène, Alexis, Ladislas XIV de Carinthie ; grand-duc de Sélakzas-