Page:La Fouchardière–Celval — Le Bouif Errant.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
47
Le Bouif errant

— Majesté, fit-il lentement, je n’ai jamais eu le dessein de contrarier vos projets. Chacun ses idées. Les uns tiennent à l’existence, les autres préfèrent le Néant. Malheureusement, le Néant véritable n’existe pas.

— Qu’en savez-vous ? grogna le Bouif. Qui vous l’a dit ?

— Ceci, continua le docteur, en désignant la momie du roi assyrien. Regardez-vous bien, Majesté ! Voici ce que vous avez été il y a environ trois mille ans. Concentrez vos souvenirs. Cherchez bien.

L’assyriologue parlait avec une telle autorité que Bicard ne trouva rien à dire et se contenta de murmurer.

— Ne charriez pas.

— Je parle toujours sérieusement, continua Cagliari. Bicard, vous avez été autrefois le plus puissant roi du monde. Vous avez dominé Ninive et Babylone. Vous fûtes l’amant de Sémiramis. Vous avez eu des armées, des courtisans, des femmes, des palais, des trésors. Enfin, vous avez été le splendide Sémoikalphalzar, dont la momie a été retrouvée par Mme Dieulafoy dans les fouilles de Ninive. Bicard, chaque homme vivant n’est que la réincarnation d’une autre unité d’une génération disparue. On ne peut se détruire tout à fait. Le corps se désagrège peut-être, mais l’esprit demeure ; l’individualité ressuscite et la ressemblance également. On ne peut nier l’évidence même. Regardez bien. Vous avez exactement la même taille, les mêmes traits, le même angle facial, la même conformation et, sans doute, la même intelligence, les