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Le Bouif errant

et les bijoux ressemblaient à des lanternes placées sur des démolitions.

— On peut se tromper, ma poupée, riposta le Bouif en se levant avec un empressement affecté. Je m’en voudrais toute ma vie de vous gêner dans vos révolutions. Sûr que vous devez être entraînée à la solitude et que ce serait vraiment dommage de vous priver des courants d’air que votre physionomie agréable doit entretenir autour d’elle.

La réplique était sévère et polie. Le Bouif, pendant son séjour à la Chambre, avait assez souvent fréquenté les Bistros du faubourg Saint-Germain pour y puiser les manières du grand monde.

Cela fit impression sur le gérant du Bahr-el-Gazal.

— Il reste une petite table tout près du jazz, murmura-t-il.

— Elle suffira. Je serai très bien. J’y vais. Rapportez-moi ma godasse.

Drapé dans son macfarlane, il traversa toute la salle, souriant aux femmes, saluant les hommes, et objet de l’effarement général.

Les nègres de l’orchestre exécutaient un charleston épileptique.

— Vous dérangez pas, fit Bicard. Le charivari ne m’inquiète pas. J’ai entendu plus fort que ça à la Chambre. Si les députés avaient des saxophones, ce serait le meilleur jazz de Paname.

Il battit la mesure avec la pantoufle que le gérant venait de lui rapporter et feignit de s’absorber dans la contemplation de la carte des vins, qu’il tenait d’ailleurs à l’envers.

Le gérant l’observait avec méfiance.