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XVIII

Où l’on pressent du mystère

Le Sauvage prit M. Pinette à l’écart, lui mit la main sur l’épaule, puis, le tutoyant, lui dit à voix basse : « Renvoie les enfants à la maison. J’ai affaire à te parler. »

Les enfants sortirent, mais non pour aller à la maison. Les petits Finette, grognant contre le Sauvage et disant : « On est chû-nous icitte », entrèrent dans la batterie contiguë à l’étable. Je les y suivis, et à travers une fente nous vîmes et entendîmes ce qui suit :

« Il y a de l’extraordinaire, » disait le maréchal.

— Comment, de l’extraordinaire ? répondit M. Pinette.

— As-tu eu des difficultés avec quelqu’un ? T’as pas refusé la charité à queuque quêteux ?

— Jamais ! Ma femme peut le dire. J’ai pas été élevé richement, mais, Dieu merci, mon défunt père, que le Bon Dieu ait son âme, dit M. Pinette, portant avec respect la main à son casque, nous a appris à avoir pitié de notre prochain et du pauvre monde.

— Pourtant il y a queuque chose !… Tu connais personne qui t’en veut ? T’as pas eu de chicane avec personne ?

— Ah !… ah ! ben ya ;… ya… le Toine, mon vois… ; mais jamais je croirai !… dit Baptiste, regrettant déjà d’avoir prononcé un nom propre.

Le Sauvage parut deviner le sentiment qui faisait taire M. Pinette et dit : « Va-t-en à la maison, puis laisse-moi faire. »