Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/227

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le navire, les avait ôtées de l’habitacle ; ce qui n’avait pu arrêter l’exécution de leur projet, ni l’empêcher lui-même de périr.

» Rol, négligeant mon conseil, fit prendre les avirons comme s’il eût été jour ; mais, après avoir vogué toute la nuit, dans l’espérance de découvrir les terres au lever du soleil, il se vit bien loin de son attente en reconnaissant qu’il était également éloigné des terres et du débris. On vint me demander dans ma retraite si j’étais mort ou vivant : « Capitaine, me dit-on, qu’allons-nous devenir ? Il ne se présente point de terre, et nous sommes sans vivres, sans carte et sans boussole. — Amis, leur répondis-je, il fallait m’en croire hier au soir, lorsque je vous conseillai fortement de ne pas vous éloigner des débris. Je me souviens que, pendant que je flottais sur le mât, j’étais environné de lard, de fromages et d’autres provisions. — Cher capitaine, me dirent-ils affectueusement, sortez de là, et venez nous conduire. — Je ne puis, leur répliquai-je, et je suis si perclus, qu’il m’est impossible de me remuer. » Cependant, avec leur secours, j’allai m’asseoir sur le pont, où je vis l’équipage qui cessait de ramer. Je demandai quels étaient les vivres : on me montra sept ou nuit livres de biscuit. Je dis : « Cessez de ramer, vous vous fatiguez vainement, et vous n’aurez point à manger pour réparer vos forces. » Ils me demandèrent ce qu’il fallait donc qu’ils fissent. Je les exhortai