Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/148

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dace de la supériorité n’avait été portée plus loin. Après avoir tenu ce langage, il fallait être sûr de vaincre, et la victoire fut aussi étonnante que l’insulte. Les Portugais combattaient avec le fer et le feu ; la mer était teinte de sang. Trente bâtimens enflammés, formant un épouvantable incendie, éclairaient au loin toute la côte, et montraient sur le rivage et sur les murs de la ville la foule des habitans d’Ormuz qui, à la vue de leur désastre, se livraient à la consternation et au désespoir. Les Portugais n’avaient perdu que dix hommes. Le ministre envoya demander la paix, se soumit à payer un tribut annuel de quinze mille scharafans, et accorda du terrain pour bâtir un fort.

Mais Albuquerque, trop supérieur à ses ennemis, en trouva de plus dangereux dans les compagnons de ses victoires. Le commandement du fort que l’on élevait fut un objet de jalousie et de discorde parmi ses capitaines. L’adroit Atar, instruit de ces dispositions, sut en profiter habilement. Ses profusions lui attachèrent quelques soldats portugais, dont l’un, qui était fondeur, lui fit quelques pièces de canon, et corrompirent trois capitaines, qui se séparèrent d’Albuquerque sous prétexte qu’il s’obstinait à bâtir un fort qu’il était impossible de conserver. Le mécontentement gagna les officiers et les soldats. Au milieu de tant de contradictions, l’intrépide Albuquerque dispersait un corps auxiliaire qu’un petit