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péré, et l’on n’y connaît jamais l’excès du froid ni du chaud. On recueille deux moissons de froment, l’une au mois de février, l’autre au mois de mai. Il est d’une bonté admirable, et le pain a la blancheur de la neige. On compte dans la grande Canarie trois autres villes, qui se nomment Telde, Gualdar et Guia. L’île, au temps de Nicols, avait douze manufactures de sucre, qui s’appellent inganios, et qu’on aurait prises pour autant de petites villes à la multitude de leurs ouvriers.

Voici la méthode qui est en usage aux Canaries pour le sucre. Un bon champ produit neuf récoltes dans l’espace de dix-huit ans. On prend d’abord une canne, que les Espagnols nomment planta, et, la couchant dans un sillon, on la couvre de terre. Elle y est arrosée par de petits ruisseaux qui sont ménagés avec une écluse. Cette plante, comme une sorte de racine, produit plusieurs cannes qu’on laisse croître deux ans sans les couper ; on les coupe jusqu’au pied, et, les liant avec leurs feuilles, qui se nomment coholia, on les transporte en fagots à l’inganio, où elles sont pilées dans un moulin, et le jus est conduit par un canal dans une grande chaudière, où on le laisse bouillir jusqu’à ce qu’il ait acquis une juste épaisseur. On le met alors dans des pots de terre de la forme d’un pain de sucre, pour le transporter dans un autre lieu, où l’on s’occupe à le purger et à le blanchir. Des restes de la chaudière, qui s’appellent escumas, et de la liqueur qui coule des pains qu’on blanchit,