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qu’ils n’accordent à personne, et qu’on ne peut se procurer malgré eux sans exposer sa vie au dernier danger. Ils ont une extrême vénération pour les corps de leurs ancêtres, et la curiosité des étrangers passe chez eux pour une profanation. Dans leur petit nombre et leur pauvreté, ils sont si fiers et si jaloux de leurs usages, que le plus vil de leur nation dédaignerait de prendre une Espagnole en mariage. L’auteur, se trouvant donc à Guimar, ville peuplée presque uniquement des descendans des anciens Guanches, eut le crédit de se faire conduire à leurs grottes. Ce sont des lieux anciennement creusés dans les rochers, ou formés par la nature, qui ont plus ou moins de grandeur, suivant la disposition du terrain. Les corps y sont cousus dans des peaux de chèvre avec des courroies de la même matière, et les coutures si égales et si unies, qu’on n’en peut trop admirer l’art. Chaque enveloppe est exactement proportionnée à la grandeur du corps ; mais ce qui cause beaucoup d’admiration, c’est que tous les corps y sont presque entiers. On trouve également dans ceux des deux sexes les yeux, mais fermés, les cheveux, les oreilles, le nez, les dents, les lèvres, la barbe, et jusqu’aux parties naturelles. L’auteur en compta trois ou quatre cents dans différentes grottes, les uns debout, d’autres couchés sur des lits de bois, que les Guanches ont l’art de rendre si dur, qu’il n’y a pas de fer qui puisse le percer.