Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/290

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les serpens et les crapauds, qui multiplient prodigieusement aux Indes, s’accommodent peu de l’air de Madère.

L’île a cependant perdu de sa fertilité depuis l’origine de ses plantations. À force de fatiguer la terre, on a tellement diminué sa fécondité, qu’on est obligé, dans plusieurs endroits, de la laisser reposer pendant trois ou quatre ans ; et lorsqu’elle ne produit rien après ce terme, elle est regardée comme absolument stérile. Cependant on n’attribue pas moins cette altération à la mollesse des habitans qu’à l’épuisement du terrain. L’incontinence règne à Madère dans toutes les conditions. Ovington rejette une partie de ce désordre sur l’usage établi de se marier sans se connaître, et souvent sans s’être vus.

Le meurtre est rarement puni à Madère. La source de ce détestable abus est la protection que l’Église accorde aux meurtriers. Ils trouvent un asile inviolable dans les moindres chapelles, qui sont en grand nombre. Funchal en est rempli, et les campagnes même en ont plusieurs. C’est assez qu’un criminel puisse toucher le coin de l’autel pour braver toutes les rigueurs de la justice. Le plus rude châtiment qu’il ait à craindre est le bannissement ou la prison, dont il peut même se racheter par des présens. Ainsi, quand la nature a placé l’homme dans un séjour où elle a tout fait pour son bonheur, il déshonore et corrompt ces beaux présens par la superstition, source du crime et de la barbarie.