Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/298

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vinrent les saluer successivement et les assurer qu’ils étaient touchés de leur infortune. Cette cérémonie se fit si gravement, que les prisonniers ne purent distinguer si c’était une insulte. On leur dit du même ton qu’il fallait rendre leurs respects au commandant. Un canonnier se chargea de lui présenter Roberts. Il trouva Lo assis sur un canon, quoiqu’il y eût des chaises près de lui ; mais un héros de cet ordre ne pouvait paraître que dans une posture martiale. Ayant ordonné qu’on le laissât seul avec Roberts, il lui dit qu’il prenait part à sa perte ; qu’étant Anglais comme lui, il ne souhaitait pas de rencontrer ses compatriotes, excepté quelques-uns dont il était bien aise de châtier l’arrogance ; mais que, la fortune le faisant tomber entre ses mains, il fallait qu’il prit courage, et qu’il ne marquât point d’abattement. Roberts répondit qu’au milieu de son chagrin il se flattait encore qu’ayant à faire à des gens d’honneur, sa disgrâce pourrait tourner à son avantage. Le corsaire lui conseilla de ne pas se flatter trop, parce que son sort dépendait du conseil et de la pluralité des voix. Il ne désirait point, répéta-t-il, de rencontrer des gens de sa nation ; mais, comme lui et ses compagnons n’attendaient rien que de la fortune, ils n’osaient marquer de l’ingratitude pour ses moindres faveurs, dans la crainte que s’en offensant elle ne les abandonnât dans leurs entreprises. Ensuite, prenant un ton fort doux, il pressa Roberts de s’asseoir, mais sans lui faire l’honneur de quitter lui-