Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/324

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nettoyer entièrement la felouque. Roberts, pour les récompenser de leur travail, leur offrit un verre d’eau-de-vie, en regrettant que les pirates ne lui eussent pas laissé le pouvoir de leur en donner plus libéralement : ils refusèrent d’en boire. Puisqu’il en avait si peu, lui dirent-ils, et qu’il était accoutumé à cette liqueur, ils lui conseillaient de la garder pour ses besoins. Ils ajoutèrent que l’eau était leur boisson naturelle, et qu’ils s’en trouvaient fort bien ; qu’ils n’avaient jamais goûté d’aqua ardente (c’est le nom qu’ils lui donnaient), quoiqu’ils n’ignorassent pas qu’elle était fort bonne ; mais qu’ils se souvenaient qu’un pirate français, nommé Maringouin, ayant abordé dans leur île avec une grosse provision de cette liqueur, qu’il n’avait pas épargnée aux habitans, la plupart de ceux qui en avaient bu étaient devenus fous pendant plusieurs jours, parce qu’ils n’y étaient point accoutumés, et que d’autres en avaient été dangereusement malades ; que cependant il se trouvait encore des Nègres qui souhaitaient d’être enlevés par quelque pirate, pourvu qu’ils fussent conduits dans une région où cette liqueur chaude fût en abondance.

Roberts leur demanda s’ils avaient beaucoup de coton dans leur île. Ils lui dirent que chaque année en produisait abondamment ; mais que la rareté des pluies avait rendu la dernière assez stérile ; qu’il n’y avait pas de Nègre néanmoins qui n’eût cinq ou six robes, quoiqu’ils en fissent peu d’usage ; que, les vaisseaux venant rarement