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bres du pays la manière de former des plantations et de fournir à leur propre entretien. Ces esclaves multiplièrent si vite, que, sans compter ceux que le marquis fît transporter en Portugal et au Brésil, ils font les quatre cinquièmes des habitans, dont le nombre total monte à deux mille cinq cents. Ils ont non-seulement leurs maisons et leurs femmes comme les Nègres libres, mais encore des biens qu’ils cultivent pour eux-mêmes, avec la dépendance naturelle du seigneur, sous l’autorité d’un inspecteur, qui est ordinairement un Portugais européen, et qui porte le titre de capitaine more. Ainsi l’île est divisée en deux sortes de Nègres, entre lesquels il s’élève quelquefois des querelles dont la fin est toujours sanglante. Les Nègres libres font valoir leur liberté. Les autres leur reprochent de n’être que des fermiers, qui peuvent être déplacés au gré du maître, et fixés même à l’esclavage par la nécessité, ou par la souveraine volonté du marquis. Ces injures se terminent ordinairement par des coups, et les Nègres libres, qui sont fort inférieurs en nombre, ne remportent jamais l’avantage. L’inspecteur même a souvent beaucoup de peine à réprimer l’insolence des esclaves. Mais, comme ils sont plus utiles que les autres à l’intérêt du maître, la faveur penche de leur côté. La liberté n’est bonne qu’à ceux qui la possèdent, et l’esclavage ne pèse qu’à ceux qui le souffrent.

fin du premier volume.