Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 11.djvu/218

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corrompus, et qui contractent insensiblement leurs habitudes vicieuses.

Un officier suédois rapporte cet exemple : « En 1722, dit-il, ayant reçu la nouvelle que la paix était conclue dans le Nord entre la Suède et la Russie, je partis de la ville de Crasnoyarsk sur l’Yéniséik, sans autre compagnie que celle d’un jeune domestique suédois, de l’âge de quatorze ou quinze ans. Le commandant de Crasnoyarsk m’avait donné un conducteur russe qui devait m’accompagner ; mais il s’était enfui, et je me trouvai réduit à traverser seul, avec mon jeune homme, de vastes contrées qui n’étaient habitées que par des païens.

» J’avais fait construire un train de bois sur lequel je descendis la rivière de Czoulim jusque dans l’Obi ; j’étais muni d’un ordre du commandant de Crasnoyarsk qui m’autorisait à prendre de distance en distance cinq Tartares païens pour ramer. Étant ainsi seul et abandonné de mon guide russe, qui devait me servir d’interprète, je montrai mon passe-port aux Tartares, qui me donnèrent sur-le-champ tous les secours qui dépendaient d’eux, et me conduisirent paisiblement d’une habitation à l’autre. Il faut que je dise à leur louange que je ne perdis rien avec eux, quoi qu’il leur fût bien facile de me voler, puisque je dormais la nuit sur mon train de bois, et que souvent ils s’étaient relevés trois ou quatre fois avant que je fusse éveillé.