Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 11.djvu/418

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on les coupe en petits morceaux, pour qu’ils n’aillent rien dire au dieu des morts. Si un lézard échappe, l’homme qui l’a vu tombe dans la tristesse, et meurt quelquefois de la peur de mourir.

Si les Kamtchadales font quelques grimaces de superstition pour conjurer les maux, ils en ont aussi pour attirer les biens dont ils ont besoin. Avant d’aller à la pêche du phoque, ils en font une espèce de représentation mystique, comme les enfans. Une grosse pierre qu’ils roulent contre une yourte, représente la mer ; de petits cailloux qu’ils mettent sur cette pierre signifient les vagues ; de petits paquets de matteït, les phoques. On met ces paquets entre des boulettes de tolkoucha, pâte faite d’œufs de poisson et d’autres mélanges. Avec de l’écorce de bouleau on fait une espèce de vase en forme de canot ; on le traîne sur le sable, comme s’il nageait sur la mer. Tout cela se fait pour inviter les phoques à se laisser prendre ; en leur montrant qu’ils trouveront au Kamtchatka de la nourriture, une mer et ce qu’il leur faut. Dans l’yourte, les Kamtchadales ont des hures de phoques à qui ils font des prières et des reproches, comme si ces animaux refusaient de venir chez les hôtes qui les régalent si bien. La fin du repas qu’ils présentent à ces amphibies aboutit à manger eux-mêmes tous les mets qu’ils leur ont offerts ; car une religion qui ne donnerait rien à manger ne serait pas bonne pour des sauvages.