Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 11.djvu/92

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» Jusque là notre navigation sur l’Irtich, à la lenteur près, et malgré les inconvéniens dont je viens de parler, ne pouvait être plus heureuse. Nous n’avions qu’à nous louer des manœuvriers que nous avions pris à Tobolsk. C’étaient tous gens tranquilles, officieux, pleins de bonne volonté. Nous étions touchés de voir ces pauvres gens travailler sans un moment de relâche, sans un instant de repos la nuit, et pourtant sans le moindre murmure. L’accident qui arriva à notre bâtiment nous fit encore mieux connaître toute la bonté de ces Tartares : nous avions dans notre bâtimeut une provision considérable de cochon fumé ; on sait que cette viande est en horreur aux Tartares, et qu’ils n’osent seulement pas la toucher : cependant notre navire ayant fait eau, comme il fallait que le bâtiment fût promptement déchargé, nous les vîmes, avec des mains tremblantes, aider à porter cette viande à terre. Une autre fois un cochon de lait étant tombé dans l’eau, un de nos Tartares s’y jeta sur-le-champ, nagea après l’animal et le rapporta. Nous avons aussi vu des marques de l’amitié qu’ils ont les uns pour les autres : il était souvent arrivé que trois ou quatre Tartares étaient obligés, soit en nageant, soit en marchant dans l’eau, de prendre les devans pour sonder la profondeur et empêcher nos bâtimens d’échouer sur les bancs de sable. Un jour, un de ces travailleurs qui, contre l’ordinaire des Tartares, ne savait pas bien nager, fut embarrassé dans un endroit