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riva couvert de sang et de plaies. Cette généreuse action coûta la liberté à Gusman : quarante Espagnols furent enlevés comme lui par les Mexicains, et tous les autres revinrent dangereusement blessés. On perdit mille Tlascalans et la meilleure des trois pièces d’artillerie.

Le chagrin du général fut plus dangereux pour sa vie que la multitude de ses blessures ; il ne pouvait se consoler de la perte de Gusman et des quarante autres Espagnols. Alderète, pénétré de douleur à la vue de tant de maux qu’on ne pouvait reprocher qu’à lui, offrit sa tête pour l’expiation de sa faute. Il reçut une vive réprimande aux yeux de toute l’armée ; mais Cortez ne jugea point à propos de faire un exemple, qui ne lui parut propre qu’à décourager ses plus braves guerriers. Son affliction redoubla le jour suivant lorsqu’il apprit qu’Alvarado et Sandoval avaient perdu vingt Espagnols dans leurs attaques, et tous les avantages qu’ils y avaient remportés lui parurent un faible dédommagement pour une si grande perte. Il fallut suspendre les attaques : on se réduisit à serrer plus étroitement la place, pour couper le passage des vivres, pendant qu’on était obligé de donner des soins à la guérison des blessés. Le chagrin de Cortez sans doute était juste ; mais, après tout, s’était-il flatté, en versant par torrens le sang américain, qu’il ne coulerait jamais dans les combats une goutte de sang espagnol ?