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Cet animal est terrible jusqu’après sa mort. On rapporte qu’un Nègre, employé par les Français pour en écorcher un, le démusela lorsqu’il fut à la tête, dans la vue de conserver sa peau plus entière. Le crocodile emporta un doigt au Nègre. Ceux qui racontent ce fait assurent pourtant que le crocodile était mort. Il faut donc supposer qu’un reste d’esprits animaux donnait encore à la tête du monstre cette espèce de mouvement dont on a observé des effets dans des têtes d’hommes récemment coupées.

Malgré la férocité du crocodile, les Nègres se hasardent quelquefois à l’attaquer, lorsqu’ils peuvent le surprendre sur quelque basse où l’eau n’a pas beaucoup de profondeur. Ils s’enveloppent le bras gauche d’un morceau de cuir de bœuf, et, prenant leur zagaie de la main droite, ils se jettent sur le monstre, le percent de plusieurs coups au gosier et dans les yeux, et lui ouvrent enfin la gueule, qu’ils l’empêchent de fermer en la traversant de leurs zagaies. Comme il n’a point de langue, l’eau qui entre aussitôt n’est pas long-temps à le suffoquer. Un Nègre du fort Saint-Louis faisait son exercice ordinaire d’attaquer tous les crocodiles qu’il pouvait surprendre. Il avait ordinairement le bonheur de les tuer et de les amener au rivage ; mais souvent il sortait du combat couvert de blessures. Un jour, sans l’assistance qu’il reçut d’un canot, il n’aurait pu éviter d’être dévoré. Atkins fait le récit d’une lutte dont il fut témoin à Sierra-Leone entre un matelot anglais et un