Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 22.djvu/282

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sont à terre, vivent de l’herbe qui croît sur les bords des eaux courantes, et le temps qu’ils ne paissent pas, ils l’emploient à dormir dans la fange. Ils paraissent d’un naturel fort pesant, qui les rend difficiles à réveiller ; mais la nature leur apprend à placer en sentinelle autour d’eux des mâles qui ne manquent jamais de les éveiller lorsqu’ils voient approcher quelqu’un. Leurs cris sont si bruyans, et d’un ton si varié, qu’ils sont fort propres à donner l’alarme ; tantôt on les entend grogner comme des pourceaux, et d’autres fois hennir comme les chevaux les plus vigoureux. Ils se battent souvent entre eux, surtout les mâles, et le sujet ordinaire de leurs divisions est quelque femelle. Les Anglais furent un jour surpris, à la vue de deux de ces animaux qui leur parurent d’une espèce toute nouvelle ; mais ils reconnurent que c’étaient deux mâles, défigurés par les coups de dents qu’ils s’étaient donnés, et par le sang dont ils étaient couverts. Celui qu’ils nommaient le pacha semblait n’avoir acquis son nombreux sérail, et la supériorité sur les autres mâles, que par ses victoires ; et les blessures, dont il portait les cicatrices, rendaient témoignage du nombre et de la grandeur de ses combats. Les meilleures parties de ces animaux sont le cœur, et surtout la langue, que les Anglais trouvaient préférable à celle du bœuf. Il est d’autant plus facile de les tuer, qu’ils sont presque également incapables et de se défendre et de fuir. Dans la pesanteur de leur marche, on voit flotter sous