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manchots, tous mets exquis pour des gens affamés qui avaient tenu la mer si long-temps. Au milieu de l’hiver, où l’on était, le climat ne paraissait pas rude ; les arbres et le gazon offraient encore quelque verdure, et l’on y trouverait en été plusieurs rafraîchissemens qui manquaient alors : les habitans n’y sont pas aussi redoutables par leur nombre et par leur cruauté que les Espagnols ont pris plaisir à les peindre. Un autre avantage de ce port, c’est qu’il est fort éloigné des établissemens de cette nation, et si peu connu, qu’avec un peu de précaution un vaisseau pourrait y faire un long séjour sans qu’elle en fût informée. D’ailleurs il serait facile de s’y défendre ; et, si l’on était en possession de l’île qui le forme, on pourrait le garder avec un peu de force contre une armée nombreuse.

L’équipage de l’Anne était en trop petit nombre pour entreprendre d’envoyer des détachemens à la découverte. Il craignait également les Espagnols et les insulaires ; et, n’osant perdre le vaisseau de vue, ses courses se bornaient aux terres qui environnent le port. D’ailleurs, quand les officiers auraient été sûrs de n’avoir rien à redouter, le pays est si couvert de bois, et si rempli de montagnes, qu’il n’est pas aisé d’y pénétrer. Mais ils jugèrent que les auteurs espagnols s’éloignent beaucoup de la vérité, lorsqu’ils représentent sur cette côte un peuple nombreux et redoutable. En hiver du moins elle est si déserte, que,