Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 22.djvu/291

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vaisseau, monté de si peu de gens, lui causait de la surprise : il concluait qu’on devait avoir perdu beaucoup de monde ; ce qu’il exprimait en se couchant sur le tillac, les yeux fermés et sans mouvement. Mais il donna une meilleure preuve de son habileté par la manière dont il s’échappa, après avoir passé huit jours à bord. L’écoutille du gaillard d’avant était déclouée. Il profita d’une nuit fort orageuse pour sortir avec sa femme et ses enfans par cette ouverture ; et, passant par-dessus le bord du vaisseau, il descendit avec eux dans le canot. Sa prudence lui fit couper les haussières qui retenaient la chaloupe et sa pirogue à l’arrière du vaisseau ; c’était le moyen d’empêcher qu’on ne pût le suivre. Il rama aussitôt vers la terre. Tous ces mouvemens furent si prompts et si secrets, que les hommes de quart sur le milieu du pont ne s’aperçurent pas de sa fuite, et qu’il ne fut découvert que par le bruit de ses avirons, tandis qu’il s’éloignait du vaisseau ; mais il était trop tard pour s’y opposer. D’ailleurs on n’avait plus ni chaloupe ni canot, et l’on eut même assez de peine à les reprendre. Quelques Anglais qui avaient conçu de l’estime pour le caractère extraordinaire de cet insulaire, supposant qu’il rôdait encore avec sa famille dans les bois autour du port, et craignant qu’il ne manquât de provisions, engagèrent le capitaine à faire exposer quelques vivres dans un lieu qui leur parut convenable au dessein qu’ils