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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 29.djvu/53

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et de barbarie ; je dis qu’un pareil sacrifice, loin d’attirer sur la nation la bienveillance de l’éatoua, comme les Taïtiens le croyaient stupidement, attirait au contraire la vengeance du dieu ; que, d’après cette seule action, j’osais leur prédire le mauvais succès de leur entreprise contre Maheiné. C’était compromettre beaucoup la justesse de mes avis : au reste, j’avais lieu de croire que ma prédiction s’accomplirait : je savais qu’on comptait dans l’île trois partis au sujet de la guerre ; l’un qui la désirait avec fureur ; le second, qui montrait une indifférence parfaite ; et le troisième, qui se déclarait ouvertement en faveur de Maheiné et de sa cause. La discorde divisant ainsi leurs conseils, il n’était pas vraisemblable qu’ils formassent un plan d’opérations militaires qui pût donner seulement l’espoir de réussir. O-maï me servit d’interprète durant cette conversation, et il exposa mes argumens avec tant de courage et de chaleur, que Toaouha parut très-irrité ; sa colère augmenta quand on lui dit, que, s’il avait tué un homme en Angleterre comme il venait d’en tuer un à Taïti, la dignité de son rang ne l’eût pas sauvé de la corde ; il s’écria : Maeno ! maeno ! (misérable ! misérable !) et il ne voulut pas écouter un mot de plus. Un assez grand nombre d’insulaires, et surtout les gens de la suite et les serviteurs de Toaouha assistèrent à cette discussion. Lorsque O-maï commença à leur expliquer le châtiment qu’on infligerait en Angleterre au plus grand des