Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 3.djvu/123

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cinq marcs d’or entre vingt personnes, dont chacune a besoin de cinq ou six sortes de marchandises. Leur adresse ne paraît pas moins dans tout ce qui concerne le commerce ; mais, au milieu même des services qu’ils rendent, ils sont d’une hauteur et d’une fierté singulières. Ils marchent les yeux baissés, sans daigner les lever autour d’eux pour regarder ce qui se présente, et ne distinguent personne, s’ils ne sont arrêtés par leurs maîtres ou par quelque officier supérieur. À ceux qu’ils regardent comme leurs inférieurs ou leurs égaux, ils ne disent pas un seul mot ; ou s’ils leur parlent, c’est pour leur ordonner de se taire, comme s’ils se croyaient déshonorés de converser avec eux. Cependant ils ne manquent pas de complaisance pour les étrangers ; mais elle vient moins d’humilité que de l’espérance de s’attirer les mêmes témoignages de considération. Ils en sont si jaloux, que leurs marchands, qui sont tous, à la vérité, du corps de leur noblesse, ne marchent point sans être suivis d’un esclave qui porte une sellette derrière eux, afin qu’ils puissent s’asseoir lorsqu’ils rencontrent quelqu’un à qui ils veulent parler. Ces chefs de la nation traitent le commun des Nègres avec beaucoup de mépris. Au contraire, ils s’efforcent de marquer toute sorte de respects aux blancs de quelque distinction, et rien ne paraît égal à leur joie lorsqu’ils en reçoivent des civilités. Avides de tout, ils ne sont attachés à rien.