Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 3.djvu/239

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royaume dont il ignore les intérêts et les maximes, il est obligé de prendre l’avis des grands dans toutes sortes d’occasions, et de se remettre sur eux du soin de l’administration. Ainsi le pouvoir se perpétue d’autant plus sûrement entre leurs mains, que leurs dignités et leurs titres sont héréditaires, et que c’est toujours l’aîné des enfans mâles qui succède au rang et à la fortune de son père : il est vrai qu’il n’est pas trop convenable que le fils et l’héritier d’un roi garde les pourceaux ; mais l’éducation que les princes reçoivent dans leur palais est ordinairement plus mauvaise que celle qu’ils auraient partout ailleurs, et ils ne peuvent y remédier que par l’éducation de l’expérience, qui malheureusement est un peu tardive.

On ne sait jamais dans quelle partie du palais le roi passe la nuit. Bosman ayant demandé un jour à son principal officier où était la chambre à coucher du roi, n’obtint pour réponse qu’une autre question : « Où croyez-vous que Dieu dorme ? Il est aussi facile, ajouta-t-il, de savoir où le roi dort. » C’est apparemment pour augmenter le respect du peuple qu’on le laisse dans cette ignorance, ou pour éloigner du roi d’autres sortes de périls par l’incertitude où l’on serait de le trouver, si l’on en voulait à sa vie.

La couleur rouge est réservée si particulièrement pour la cour, qu’en fil et en laine, comme en soie et en coton, il n’y a que le roi, ses femmes et ses domestiques qui aient le