Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 3.djvu/253

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« C’est le diable, lui dit le prêtre. — Mais le diable n’est pas blanc y lui répondit d’Elbée. — Vous le faites noir, répliqua le prêtre ; mais c’est une grande erreur. Pour moi, qui l’ai vu et qui lui ai parlé plusieurs fois, je puis vous assurer qu’il est blanc. Il y a six mois, continua-t-il, qu’il m’apprit le dessein que vous aviez formé en France de tourner ici votre commerce. Vous lui êtes fort obligé, puisque, suivant ses avis, vous avez négligé les autres cantons pour trouver ici plus promptement votre cargaison d’esclaves. »

Depuis que les contrées de Juida et de Popo ont été démembrées du royaume d’Ardra, son étendue n’est pas considérable du côté de la mer. Il n’a pas plus de vingt-cinq lieues le long de la côte ; mais, s’enfonçant bien loin dans les terres, ses bornes à l’est et à l’ouest, qui sont les rivières de Volta et de Bénin, renferment un espace d’environ cent lieues. Le peuple d’Ardra ignore l’art de lire et d’écrire. Il emploie pour les calculs, et pour aider sa mémoire, de petites cordes, avec des nœuds qui ont leur signification, usage que les Espagnols trouvèrent établi chez les Péruviens. Les grands, qui entendent la langue portugaise, la lisent et l’écrivent fort bien ; mais ils n’ont point de caractères pour leur propre langue.

D’Elbée parle d’une coutume fort bizarre. Une femme mariée qui se prostitue à un esclave devient elle-même l’esclave du maître de son amant, lorsque ce maître est d’une condition