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enfreignent cet usage. Un fils du roi, âgé de onze ou douze ans, étant entré dans la salle tandis que son père buvait, fut saisi par l’ordre de ce prince, revêtu sur-le-champ d’un habit fort riche, et traité avec toutes sortes de liqueurs et d’alimens. Mais aussitôt qu’il eut achevé ce funeste repas, il fut coupé en quatre quartiers, qui furent portés dans toutes les villes, avec une proclamation qui apprenait au public la cause de son supplice. Ce trait exécrable est confirmé par une barbarie de la même nature que rapporte un témoin. Un autre fils du roi, mais plus jeune, ayant couru vers son père pour l’embrasser dans les mêmes circonstances, le grand-prêtre demanda qu’il fût puni de mort. Le roi y consentit, et sur-le-champ ce malheureux enfant eut la tête fendue d’un coup de hache. Le grand-prêtre recueillit quelques gouttes de son sang, dont il frotta les bras du roi pour détourner les malheurs d’un tel présage. Cette loi s’étend jusqu’aux bétes. Les Portugais de Loango avaient fait présent au roi d’un fort beau chien de l’Europe, qui, n’étant pas bien gardé, entra dans la salle du festin pour caresser son maître : il fut massacré sur-le-champ.

Cet usage vient d’une opinion superstitieuse et généralement établie dans la nation, que le roi mourrait subitement si quelqu’un l’avait vu boire ou manger. On croit détourner le malheur dont il est menacé en faisant mourir le coupable à sa place. Quoiqu’il mange tou-