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de sang ; et l’on en fut quitte ainsi pour la perte de trois hommes.

Les Cormantins, nation de la côte d’Or, sont des Nègres fort capricieux et fort opiniâtres. En 1721, Snelgrave aborda sur leur côte, et fit en peu de temps une traite si avantageuse, qu’il avait déjà cinq cents esclaves à bord. Il se croyait sûr de leur soumission, parce qu’ils étaient fort bien enchaînés, et qu’on veillait soigneusement sur eux. D’ailleurs son équipage était composé de cinquante blancs, tous en bonne santé, et d’excellens officiers ; cependant la fureur de la révolte s’empara d’une partie de cette malheureuse troupe, près d’une ville nommée Manfro, sur la même côte.

La sédition commença vers minuit, à la clarté de la lune. Les deux sentinelles laissèrent sortir à la fois quatre Nègres de leur loge : et, négligeant de la fermer, il en sortit aussitôt quatre autres : ils s’aperçurent de leur faute, et poussèrent assez violemment la porte pour arrêter ceux qui auraient suivi dans la même vue ; mais les huit qui s’étaient échappés eurent l’adresse de se défaire en un moment de leurs chaînes, et fondirent ensemble sur les deux sentinelles. Ils s’efforcèrent de leur arracher leurs sabres. L’usage des sentinelles anglaises étant de se les attacher au poignet, ils trouvèrent tant de difficulté à cette entreprise, que deux blancs eurent le temps de faire entendre leurs cris et d’attirer du secours :