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pérait gagner la terre avec tous ses compagnons ; et s’ils avaient le bonheur de réussir, il s’engageait, pour eux et pour lui-même, à servir l’interprète pendant toute sa vie. Celui-ci avertit aussitôt le capitaine, et lui conseilla de redoubler la garde, parce que les esclaves n’étaient plus sensibles aux raisons qui les avaient déjà fait rentrer dans la soumission. Cet avis jeta Snelgrave dans une vive inquiétude. Il connaissait les Cormantins pour des désespérés, qui comptaient pour rien les châtimens, et même la mort. On a vu souvent à la Barbade, et dans d’autres îles, que, pour quelques punitions que leur paresse leur attire, vingt ou trente de ces misérables se pendaient ensemble à des branches d’arbres, sans avoir fait naître le moindre soupçon de leur dessein.

Cependant une aventure fort triste inspira plus de douceur aux esclaves de Snelgrave. En arrivant près d’Anamabo, il rencontra l’Élisabeth, vaisseau qui appartenait au même propriétaire que le sien, et dont la situation l’obligeait d’ailleurs à des soins particuliers. Ce bâtiment avait essuyé diverses sortes d’infortunes ; après avoir perdu son capitaine et son contre-maître, il était tombé, au cap Laho, entre les mains du pirate Roberts, au service duquel plusieurs matelots s’étaient déjà engagés ; mais quelques-uns des pirates n’avaient pas voulu souffrir que la cargaison fut pillée ; et, par un sentiment de compassion,