Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 4.djvu/235

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tout en festins, en présens et en procès, ne faisant pas difficulté de sacrifier à la chicane une centaine de ducats pour un giroflier contesté. Malgré cette prodigalité des grands et la pauvreté des autres, il est remarquable qu’on ne voit jamais ici de mendians. On en sera moins surpris, si l’on considère que les arbres y produisent en abondance des fruits dont on n’interdit pas l’usage aux passans, et que personne ne refuse aux indigens qui la demandent la liberté de couper autant de bois à brûler qu’ils en ont besoin pour un jour. Un insulaire qui n’est pas trop paresseux peut gagner facilement trois escalins par jour, en revendant ses fagots, tandis qu’il ne lui faut que deux sous pour vivre.

L’ignorance, mère de l’idolâtrie et de la superstition, a introduit dans le culte et dans la manière de vivre de ces insulaires une infinité d’usages aussi bizarres que leurs préjugés sont ridicules. Les démons partagent leurs principaux soins, et sont le continuel objet de leurs inquiétudes. La rencontre d’un corps mort qu’on porte en terre, celle d’un impotent ou d’un vieillard, si c’est la première créature qu’on voie dans la journée ; le cri des oiseaux nocturnes, le vol d’un corbeau au-dessus de leurs maisons, sont pour eux autant de présages funestes dont ils croient pouvoir prévenir les effets en rentrant chaque fois chez eux, ou par certaines précautions. Quelques gousses d’ail, de petits morceaux de bois pointus et un couteau, mis à la main ou sous le chevet d’un en-