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qu’avec des rameaux d’arbre aux bras et aux genoux, dont ils ne manquent pas de se parer surtout lorsqu’ils doivent se battre.

Tous ces montagnards, quoique partagés en factions, ont les mêmes manières, les mêmes mœurs et le même culte. C’est une loi inviolable parmi eux, qu’aucun jeune homme ne peut couvrir sa nudité ou sa maison, se marier ni travailler, s’il n’apporte pour chacune de ces installations autant de têtes d’ennemis dans son village, où elles sont posées sur une pierre consacrée à cet usage. Celui qui compte le plus de têtes, est réputé le plus noble, et peut aspirer aux meilleurs partis. On n’examine point à la rigueur si ce sont des têtes d’hommes, de femmes ou d’enfans ; il suffit que la taxe soit remplie. Par cette politique, il est facile à leurs chefs de détruire en peu de temps un village ennemi, et de faire la guerre sans qu’il leur en coûte la moindre dépense.

Dans leurs maraudes pour chercher des têtes, les jeunes Alfouriens battent la campagne en petites troupes de huit ou dix, le corps tellement couvert de verdure, de mousse et de rameaux, que, cachés sur les chemins au milieu des bois, on les prend facilement pour des arbres : dans cet état, s’ils voient passer quelqu’un de leurs ennemis, ils lui jettent une zagaie par-derrière, et, s’élançant sur lui, ils lui coupent la tête, qu’ils emportent dans les habitations, où ils font leur entrée solennelle, tandis que les jeunes femmes et les filles, chantant et dansant autour d’eux, cé-