Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 4.djvu/274

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me le plus vigoureux, qui en fume plus de quatre ou cinq fois dans l’espace de vingt-quatre heures, tombe infailliblement en léthargie ; ou s’il en prend plus d’un demi-grain en substance, il s’endort presque aussitôt ; et ce sommeil, de quelque douceur qu’il paraisse accompagné, ne manque point de le conduire à la mort. Un grain de la grosseur du riz est un violent purgatif. Mêlé avec de la thériaque, il a des effets tout opposés, et le dévoiement le plus opiniâtre ne lui résiste pas long-temps. Les Macassarois en mêlent avec le tabac, qu’ils fument avant d’aller au combat, pour échauffer leur courage et se rendre insensible aux plus sanglantes blessures. Ils ont d’ailleurs une quantité surprenante de poisons et d’herbes vénéneuses dont ils composent une liqueur si subtile, qu’il suffit, dit-on, d’y toucher ou d’en ressentir l’odeur pour mourir à l’heure même. Ils y trempent la pointe de leurs flèches ; aussi ne font-elles point de blessure qui ne soit mortelle ; et quand elles seraient empoisonnées depuis vingt ans, l’effet n’en serait pas moins funeste. On assure qu’il n’y a que la fumée qui puisse leur faire perdre cette malheureuse vertu. Quelques-unes de ces redoutables plantes ressemblent beaucoup à l’ophion, et les insulaires ont quelquefois le malheur de s’y tromper ; mais les animaux de l’île, conduits par un instinct plus sûr que la raison, s’éloignent avec une promptitude admirable de tous les poisons qui se trouvent sous leurs pas.