Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 4.djvu/336

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les mamelles d’une femme ; sa chair a le goût de celle du porc. Les poissons qu’on nomme épées ne sont différens des nôtres que par la longueur extraordinaire de leur corne, qui les rend fort dangereux pour les petites barques. Les crocodiles seraient les plus redoutables ennemis des insulaires par leur abondance et leur voracité, si la Providence n’y avait mis comme un double frein qui arrête leur multiplication et leurs ravages. Les femelles sont si fécondes, qu’elles font jusqu’à cinquante petits ; mais, lorsqu’ils doivent éclore de leurs œufs, qu’elles font à terre, elles se mettent dans l’endroit par lequel ils doivent passer, et, les avalant l’un après l’autre, elles ne laissent échapper que ceux à qui le hasard fait prendre un autre chemin. On n’a jamais ouvert un de ces monstres dans le ventre duquel on n’ait trouvé des os et des crânes d’hommes. Les Espagnols, comme les Indiens, mangent les petits crocodiles. On trouve quelquefois sous leurs mâchoires de petites vessies pleines d’un excellent musc. Les lacs des îles ont une autre espèce de lézards monstrueux, que les Indiens nomment bouhayas, et qui ne paraissent point différens de ceux que les Portugais ont nommés caïmans. Ils n’ont pas de langue, ce qui leur ôte non-seulement le pouvoir de faire du bruit, mais encore celui d’avaler dans l’eau : aussi ne dévorent-ils leur proie que sur le rivage. Ils seraient les plus redoutables de tous les monstres, s’ils n’avaient une extrême difficulté à