Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 4.djvu/378

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien d’autrui, s’assemble pour en saisir l’occasion. Le mari se croit trop heureux lorsque, après avoir vu piller ou saccager tout ce qu’il possède, il ne voit pas aller la fureur jusqu’à renverser sa maison. Cet empire des femmes éloigne du mariage quantité de jeunes gens. Les uns louent des filles, et d’autres les achètent de leurs parens pour quelques morceaux de fer ou d’écaille de tortue. Ils les mettent dans des lieux séparés, où ils se livrent avec elles à tous les excès du libertinage. Mais ils ne connaissent guère d’autres crimes. L’homicide, et même le vol, sont en horreur dans toute la nation, du moins entre eux. Leurs maisons ne sont point fermées, et l’on n’apprend jamais que personne ait volé son voisin.

Avant l’arrivée des missionnaires, ils ne reconnaissaient aucune apparence de Divinité ; et n’ayant pas la moindre idée de religion, ils étaient sans temples, sans culte et sans prêtres. On n’a trouvé parmi eux qu’un petit nombre d’imposteurs distingués par le nom de mancanas, qui s’attribuaient le pouvoir de commander aux élémens, de rendre la santé aux malades, de changer les saisons, et de procurer une récolte abondante ou d’heureuses pêches ; mais ils ne laissaient pas d’attribuer à l’âme une sorte d’immortalité, et de supposer dans une autre vie des récompenses ou des peines. Ils nommaient l’enfer zazarraguan, ou maison de Chassi, c’est-à-dire d’un démon auquel ils donnaient le pouvoir de tourmenter