Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/114

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qu’il serait bien étonnant que neuf Portugais exercés en effet depuis long-temps au métier des armes, et qui devaient trouver dans leur mémoire le souvenir d’une infinité d’exploits de leur nation, ne fassent pas mieux instruits que des barbares ; qu’en joignant nos lumières et nos réflexions, il se promettait que nous leur ouvririons du moins quelque voie qu’ils ignoraient ; et que peut-être nous suffirait-il de paraître un peu moins grossiers qu’eux pour obtenir une considération qui pouvait nous conduire à la liberté. Il ajouta, pour exciter notre courage, que, dans la misère où nous étions, notre vie ne méritait d’être conservée qu’autant qu’elle pouvait servir à nous procurer un meilleur sort.

» Nous commençâmes à le regarder d’un autre œil ; et sa témérité nous parut une inspiration du ciel, qui voulait peut-être la rendre utile à notre délivrance. Le nauticor, n’étant pas satisfait du conseil, prêta volontiers l’oreille à l’offre de nos services, surtout lorsqu’il eut appris que nous étions d’une nation dont les conquêtes avaient fait du bruit dans les Indes. Il nous fit amener dans sa tente, chargé de chaînes comme nous l’étions encore. Les principaux officiers du camp étaient autour de lui, quoique la nuit fût fort avancée. Après diverses questions, auxquelles Mendez répondit avec assurance, il nous fit ôter une partie de nos liens ; et, s’intéressant déjà pour notre conservation, il nous fit ap-