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paraissait attendre de moi sa guérison. Le roi, qui croyait me devoir la vie et la santé, ne balança point à me confier le soin de son fils. Je m’armai de courage, et l’ayant prié de faire éloigner les bonzes, je fis sept points à la main droite, où me parut être la moins dangereuse des deux blessures : un bon chirurgien en eut peut-être fait beaucoup moins. À la tête, qui me causait le plus d’embarras, je n’en fis que cinq ; après quoi j’y appliquai des étoupes, trempées dans des blancs d’œufs, avec de bonnes ligatures, telles que je les avais vu faire en mille occasions. Cinq jours après je coupai les points, et je continuai de panser les deux plaies. Vingt jours après, le prince se trouva si parfaitement guéri, qu’il ne lui resta qu’une petite cicatrice au pouce.

» Après cette dangereuse opération, je reçus du roi et de toute la cour des honneurs et des caresses qu’il me serait difficile de représenter. La reine et les princesses ses filles m’envoyèrent quantité d’étoffes de soie ; les seigneurs me firent présent d’un grand nombre de cimeterres ; on me compta de la part du roi six cents taëls ; enfin cette dangereuse audace me valut plus de quinze cents ducats.

» Cependant mes réflexions sur le péril dont le ciel m’avait délivré, et l’avis que je reçus de mes compagnons, que le corsaire Samipocheca faisait ses préparatifs pour retourner à la Chine, me déterminèrent à demander au roi la permission de le quitter ; il me l’accorda.