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jours, neuf jonques portugaises qui se trouvaient au port de Liampo furent prêtes à faire voile, quoiqu’en si mauvais ordre, que la plupart n’avaient pas d’autres pilotes que les maîtres mêmes, qui n’avaient aucune connaissance de la navigation.

» Elles partirent dans cet état malgré les fâcheuses circonstances de la saison et du vent. L’avidité du gain ne connaissait aucun danger. Je fus moi-même un des malheureux qui se laissèrent engager dans ce fatal voyage. Le premier jour nous gouvernâmes comme à tâtons entre les îles et la terre ferme. Mais vers minuit une affreuse tempête nous ayant livrés à la fureur du vent, nous échouâmes sur les bancs de Gaton, où, des neuf jonques, deux seulement eurent le bonheur d’échapper. Les sept autres périrent avec plus de six cents hommes, entre lesquels on comptait cent quarante des principaux Portugais de Liampo. Cette perte en marchandises fut estimée plus de trois cent mille ducats.

» J’avais le bonheur de me trouver dans une des deux autres jonques. Nous suivîmes la route que nous avions commencée jusqu’à la vue de l’île de Lequios, où nous fûmes battus d’un si furieux vent de nord-est, que nos deux bâtimens furent séparés pour ne se revoir jamais. Dans l’après-midi, le vent s’étant changé à l’ouest-nord-ouest, les vagues s’élevèrent si furieusement, qu’il devint impossible d’y résister. Notre capitaine, qui se nom-