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les flots. Nous arrivâmes au rivage ; il était couvert de bois, où nous trouvâmes d’autres herbes assez semblables à l’oseille, qui furent notre unique ressource pendant trois jours. Le quatrième, nous fûmes aperçus par un insulaire qui gardait quelques bestiaux, et qui se mit à courir aussitôt vers une montagne voisine pour donner l’alarme aux habitans d’un village dont nous n’étions éloignés que d’un quart de lieue. Bientôt nous vîmes paraître environ deux cents hommes, qui s’étaient rassemblés au bruit des tambours et des cornets. Leurs chefs étaient à cheval au nombre de quatorze. Ils vinrent droit à nous, et quelques-uns se détachèrent pour nous observer. Lorsqu’ils nous virent sans armes, presque nus, la plupart à genoux, pour invoquer le secours du ciel, et deux femmes déjà mortes de misère, ils furent touchés d’une si vive compassion, qu’étant retournés vers ceux qui les suivaient, ils les firent arrêter avec défense de nous causer aucun mal. Cependant ils revinrent à nous, accompagnés de six hommes de pied, qui étaient les officiers de leur justice, et nous ayant exhortés à ne rien craindre, parce que le roi des Lequiens était un prince juste et plein de pitié pour les misérables, ils nous firent lier trois à trois pour nous conduire à leurs habitations. Nous étions moins rassurés par leurs discours qu’effrayés par un traitement si rigoureux. Il nous restait trois femmes, qui tombèrent pâmées de fai-