Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/181

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cheval. Plusieurs tranchées qui formaient d’autres enceintes étaient bordées d’enseignes tachées de gouttes de sang. Ce nouveau spectacle paraissant annoncer quelque événement qui n’était pas connu de l’armée, j’eus la curiosité d’y courir avec cinq autres Portugais. Nous entendîmes d’abord un bruit extraordinaire qui venait du camp des Bramas. Tandis que nous en cherchions la cause, nous vîmes sortir du quartier du roi cent éléphans armés et quantité de gens de pied qui furent suivis de quinze cents Bramas à cheval. À cette cavalerie succéda un gros de trois mille hommes d’infanterie, armés d’arquebuses et de lances, au milieu desquelles nous découvrîmes cent quarante femmes liées quatre à quatre, avec un grand nombre de moines du pays qui les consolaient par leurs exhortations. Toutes ces infortunées étaient femmes on filles des principaux capitaines de Chambaïna, et la plupart n’étaient âgées que de dix-sept à vingt-cinq ans. Nous admirâmes leur blancheur et leur beauté ; mais elles étaient si faibles, que plusieurs tombaient évanouies presqu’à chaque pas. Derrière elles nous vîmes paraître douze huissiers avec leurs masses d’argent, qui précédaient Nhaï-Canatou, reine de Martaban. Quatre hommes portaient ses enfans autour d’elle. Après cette princesse, marchaient deux files de soixante moines, priant dans leurs livres, la tête baissée et les yeux baignés de larmes. Ils étaient suivis d’une pro-