Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/202

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Le courant de l’eau et la faveur du vent nous portèrent avant le jour à plus de dix lieues. Quelques provisions que nous avions trouvées dans la barque ne pouvaient nous suffire pour une longue route ; et nous n’en étions pas moins résolus d’éviter tous les lieux habités. Mais une pagode qui s’offrit le matin sur la rive nous inspira plus de confiance. Elle se nommait Hinarel. Nous n’y trouvâmes qu’un homme et trente-sept religieuses, la plupart fort âgées, qui nous reçurent avec de grandes apparences de charité. Cependant nous la primes pour l’effet de leur crainte, surtout lorsque, leur ayant fait diverses questions, elles s’obstinèrent à nous répondre qu’elles étaient de pauvres femmes qui avaient renoncé aux affaires du monde par un vœu solennel, et qui n’avaient pas d’autre occupation que de demander à Quiaï-Ponvedaï de l’eau pour la fertilité des terres. Nous ne laissâmes pas de tirer d’elles du riz, du sucre, des fèves, des ognons et de la chair fumée, dont elles étaient fort bien pourvues. Les ayant quittées le soir, nous nous abandonnâmes au cours de la rivière ; et pendant sept jours entiers nous passâmes heureusement entre un grand nombre d’habitations qui se présentaient sur les deux bords.

» Mais il plut au ciel, après nous avoir conduits parmi tant de dangers, de retirer tout d’un coup la main qui nous avait soutenus. Le huitième jour, en traversant l’embouchure d’un canal, nous nous vîmes attaqués par trois