Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tre dessein que d’exciter leur compassion par nos cris. Ils s’approchèrent. Dans la confusion des mouvemens par lesquels nous nous efforçâmes de les attendrir, un de nous fit quelques signes de croix, qui venaient peut-être moins de sa piété que de sa douleur. Aussitôt une femme qui nous regardait attentivement s’écria d’un ton qui parvint jusqu’à nous : « Jésus ! voilà des chrétiens qui se rencontrent devant mes yeux ! » et, pressant les matelots d’aborder près de nous, elle fut la première qui descendit avec son mari. C’était une Pégouane qui avait embrassé le christianisme, quoique femme d’un païen dont elle était aimée tendrement. Ils avaient chargé ce vaisseau de coton pour l’aller vendre à Cosmin. Nous reçûmes d’eux tous les bons offices de la charité chrétienne. Cinq jours après, étant arrivés à Cosmin, port maritime de Pégou, ils nous accordèrent un logement dans leur maison. Nos blessures y furent pansées soigneusement ; et dans l’espace de quelques semaines nous nous trouvâmes assez rétablis pour nous embarquer sur un vaisseau portugais qui partait pour le Bengale.

» En arrivant au port de Chatigam, où le commerce de notre nation était bien établi, je profitai du départ d’une fuste marchande qui faisait voile à Goa. Notre navigation fut heureuse. Je trouvai dans cette ville don Pedro de Faria, mon ancien protecteur, qui avait fini le temps de son administration à Malacca.