Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/220

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il y avait trois ou quatre rangs de tonneaux les uns sur les autres. Nous recommençâmes à jeter de l’eau à pleins seaux, et nous en jetâmes une prodigieuse quantité. Mais il survint un nouvel incident qui augmenta le trouble. L’eau tombée sur le charbon causa une fumée si épaisse, si sulfureuse et si puante, qu’on étouffait dans le fond de cale, et qu’il était presque impossible d’y demeurer. J’y étais néanmoins pour y donner les ordres, et je faisais sortir les gens tour à pour leur laisser le temps de se rafraîchir. Je soupçonnais déjà que plusieurs avaient été étouffés sans avoir pu arriver jusqu’aux écoutilles. Moi-même j’étais si étourdi et si suffoqué, que, ne sachant plus ce que je faisais, j’allais par intervalles reposer ma tête sur un tonneau, tournant le visage vers l’écoutille pour respirer un moment.

» Enfin, me trouvant forcé de sortir, je dis à Rol, subrécargue du bâtiment, qu’il me paraissait nécessaire de jeter la poudre à la mer. Il ne put s’y résoudre : « Si nous jetons la poudre, me dit-il, il y a apparence que nous ne devons plus craindre de périr par le feu ; mais que deviendrons-nous lorsque nous trouverons des ennemis à combattre ? et quel moyen de nous disculper ? »

» Cependant le feu ne diminuait pas ; et la puanteur de la fumée, autant que son épaisseur, ne permettait plus à personne de demeurer au fond de cale. On prit la hache, et dans l’entrepont, vers l’arrière, on fit de grands