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trous par lesquels on jeta une grande quantité d’eau sans cesser d’en jeter en même temps par les écoutilles. Il y avait trois semaines qu’on avait mis le grand canot à la mer. On y mit aussi la chaloupe, qui était sur le pont, parce qu’elle causait de l’embarras à ceux qui puisaient de l’eau. La frayeur était telle qu’on peut se la représenter. On ne voyait que le feu et l’eau, dont on était également menacé, et par l’un desquels il fallait périr sans aucune espérance de secours ; car on n’avait la vue d’aucune terre, ni la compagnie d’aucun autre vaisseau. Les gens de l’équipage commençaient à s’écouler ; et se glissant de tous côtés hors du bord, ils descendaient sous les porte-haubans. De là ils se laissaient tomber dans l’eau, et nageant vers la chaloupe ou vers le canot, ils y montaient et se cachaient sous les bancs ou sous les couvertes, en attendant qu’ils se trouvassent en assez grand nombre pour s’en aller ensemble.

» Rol étant allé par hasard sur le pont, fut étonné de voir tant de gens dans le canot et dans la chaloupe : ils lui crièrent qu’ils allaient prendre le large, et l’exhortèrent à descendre avec eux. Leurs instances et la vue du péril lui firent prendre ce parti. En arrivant à la chaloupe, il leur dit : « Mes amis, il faut attendre le capitaine. » Mais ses ordres et ses représentations n’étaient plus écoutés. Aussitôt qu’il fut embarqué, ils coupèrent l’amarre et s’éloignèrent du vaisseau. Comme j’étais toujours