Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/237

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nage, et se mirent à suivre la côte tandis que nous les conduisions des yeux. Enfin, trouvant une rivière, ils se servirent de leurs caleçons pour nous faire des signaux qui nous attirèrent à leur suite. En nous approchant, nous aperçûmes devant l’embouchure un banc contre lequel la mer brisait encore avec plus de violence. Je n’étais pas d’avis qu’on hasardât le passage, ou du moins je ne voulus m’y déterminer qu’avec le consentement général. Tout le monde se mit en rang par mon ordre, et je demandai à chacun son opinion. Ils s’accordèrent tous à braver le péril. J’ordonnai qu’à chaque côté de l’arrière on tînt un aviron percé, avec deux rameurs à chacun, et je pris la barre du gouvernail pour aller droit à couper la lame. Le premier coup de mer remplit d’eau la moitié de la chaloupe. Il fallut promptement puiser avec les chapeaux, les souliers et tout ce qui pouvait servir à cet office ; mais un second coup de mer nous mit tellement hors d’état de gouverner, que je crus notre perte certaine. « Amis, m’écriai-je, tenez la chaloupe en équilibre, et redoublez vos efforts à puiser, ou nous périssons sans ressource. » On puisait avec toute l’ardeur possible, lorsqu’un troisième coup de mer survint. Mais la lame fut si courte, qu’elle ne put nous jeter beaucoup d’eau, sans quoi nous périssions infailliblement ; et la marée commençant aussitôt à refouler, nous traversâmes enfin ces furieux brisans. On goûta l’eau, qui fut trou-